Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

01/01/2009

Le poème de la semaine

Claudio Montale


Verbe de mémoire,

mon ombre sur la terre,

le gouvernail du temps au hasard des intempéries

a démêlé nos liens.


Branches obscures avides de tout,

nos vies ont emprunté un itinéraire différent,

tantôt fondu à la pierre négligée,

tantôt semblable à l'éclair de midi,

impatient et désespéré.


Au seuil du rude hiver,

il a fallu effacer la trace ancienne,

l'écharde blanche

à la dimension de notre impossible amour.


Silence, intériorité en Dieu,

l'ami et l'hôte inattendu. 


Absence scellée

aux blessures apparentes.


Hors de toi,

le temps s'est raréfié.


A l'épreuve des vents contraires

je n'ai pas fui l'allégresse

des matins réinventés;

mais pourquoi l'ancolie solitaire

- malgré les mains tendues, amies -

ne s'est-elle ouverte, en larmes,

qu'aux restes de notre incomparable union?


Etoile de sang

qu'un pluriel nourrit sous le givre.


Et toi

- ma raison de vivre et de durer -

dans quels miroirs t'es-tu multipliée?

Et quels horizons 

aux signes témaires

ont parcouru ta plaie?


Oiseau vulnérable au profil trop offert,

n'as-tu trouvé de prise sur aucun nid?


Parfois, lumineuse,

l'accalmie des heures communes:

fragments de ta présence aimante,

insoumise, désemparée,

à l'éphémère inondant ma vigne.


Apogée de joie

dans nos yeux et nos rires confondus;

apogée de souffrance

dans le non-dit et le ciel limité.


Nous sommes très proches,

disais-tu:

petit coeur qui ne bat plus,

corps froid ne recueillant que les cendres

de mon être dissous...


Douleur vibrante

au présent consterné.


Rose tardive sollicitant sa tige,

suis-je aujourd'hui, enfin,

à la terre rendu

- difficile apprentissage

des clartés définitives -

quand le pire 

n'est point de vouloir mourir,

mais de si peu tenir à vivre?


J'acquiesce et me tais.

L'espace tremble, il mesure mon pas,

et ton ombre s'étend.


A sa douceur hospitalière,

je m'abandonne

comme la graine austère

qui demande à reposer

au coeur de ce qu'elle aime.


Ligne meurtrie où s'inscrit mon souffle

en s'inclinant vers toi.

 

 

Quelques traces de craie dans le ciel,

Anthologie poétique francophone du XXe siècle

pour C.C.